Suivre des cours prénataux. Préparer un plan de naissance. La narratrice d’Un espace entre les mains a beau être bien organisée et bien entourée, elle n’a pas pu prévoir qu’elle souffrirait d’une dépression post-partum avec intensité psychotique. Sous forme de fragments empreints de poésie, la narratrice nous partage ce qu’elle vit.

« Dans cet espace, le contact est rompu, entre soi et le réel, entre gauche et droite, entre hier et demain, entre jour et nuit. C’est l’envers du décor, l’incertitude d’exister. Ici, on ne sait plus si chaque pas que l’on fait ne nous ramènera pas au jour un de notre vie. On ne sait plus rien. »

UN ESPACE ENTRE LES MAINS | ÉMILIE CHOQUET | BORÉAL

Dépression post-partum avec intensité psychotique

« Dépression post-partum avec intensité psychotique. Répéter ces mots souvent me donne l’impression de m’approprier ma maladie, de l’accepter davantage. Si les jours ne semblent pas s’enchaîner et que je peine à distinguer le réel du rêve, je me remémore ce terme. Il m’appartient. Depuis qu’on a sorti G. de mon ventre, j’ai l’impression qu’elle n’est plus à moi. Elle passe de paires de bras en paires de bras et, sans que je comprenne pourquoi, je sens qu’on me l’arrache à répétition. La dépression post-partum avec intensité psychotique, personne ne peut me l’enlever. Elle est à moi. Je vis entre ces syllabes qui s’entrechoquent et se perdent en bouche. »

UN ESPACE ENTRE LES MAINS | ÉMILIE CHOQUET | BORÉAL

Aussi, la narratrice n’avait pas pu prévoir qu’elle subirait une césarienne. Il s’agit d’une première perte de contrôle, de la première fois où elle ne peut rien décider. Le retour à la maison avec bébé représente des routines qui lui semblent beaucoup trop répétitives. Elle perd contact avec la réalité.

« Lorsque je pars à la dérive, quelqu’un s’occupe de me ramener, en partie. C’est comme si mon corps avait accepté gaiement son devoir, mais que ma tête s’était désistée. »

Un espace entre les mains | Émilie Choquet | Boréal

Son mari, T., s’adapte bien à sa paternité et il constate qu’ils ne perçoivent pas l’arrivée de G. dans leur vie de la même façon. T. fait en sorte qu’elle soit hospitalisée parce que la situation ne lui semble pas saine.

« Quand T. parle d’elle, c’est comme s’il la connaissait vraiment. À deux semaines et demie. Je l’observe avec envie. Je suis trouée, je ne retiens rien. Ses gestes de bébé ne s’impriment pas encore dans ma tête. Je pense au bébé dans le livre. C’est lui qui mène le bal. Il doit boire aux trois heures. Il doit se conformer à certaines règles. Quand les amis me demandent ce que G. a fait, ce qu’elle nous fait endurer, ce qu’elle est, je parle du bébé dans le livre. T. raconte une histoire différente. Il se souvient de tous les détails de la nuit précédente, des heures auxquelles il s’est levé pour la bercer, me l’amener pour que je l’allaite. Je cherche l’endroit où j’ai mis ces informations dans ma tête. Il n’existe pas. J’ai mis au monde le bébé du Mieux-vivre. »

UN ESPACE ENTRE LES MAINS | ÉMILIE CHOQUET | BORÉAL

Un espace entre les mains

Vous vous demandez peut-être ce que signifie le titre Un espace entre les mains.

Le médecin lui fait comprendre son état en utilisant ses mains.

« Il joint ses mains, comme en prière. Puis, il les décolle légèrement, laissant un espace fin, à peine perceptible entre elles. Il dit : « C’est ça, la psychose. D’un côté, la réalité. De l’autre, votre perception. Elles ne collent plus l’une à l’autre. »»

UN ESPACE ENTRE LES MAINS | ÉMILIE CHOQUET | BORÉAL

C’est très clair comme explication!

Une vision naïve de la maternité

En plus des fragments, ce livre contient aussi des listes. Dont des listes de choses à faire pendant son futur congé de maternité, comme lire des tas de livres pendant les siestes de bébé et rédiger des notes de lecture pour des revues. ELLE, contrairement aux mères qui l’entourent, arrivera à vivre un congé de maternité tranquille et productif. Vous l’avez compris, ce n’est ni tranquille, ni productif.

Je l’ai dit plus tôt, elle avait rédigé son plan de naissance. Le médecin qui assure son suivi de grossesse ne semble pas croire que c’est possible de réfléchir à comment on souhaite accoucher.

« De cette réponse, je conclus que les femmes devraient se limiter au strict minimum en matière d’éducation et de préparation à l’accouchement et laisser passivement les médecins faire leur travail, sur le dos et bien écartées : se faire accoucher. »

UN ESPACE ENTRE LES MAINS | ÉMILIE CHOQUET | BORÉAL

Entre tenter de tout prévoir, comme elle l’a fait, et se placer en expert qui connait tellement mieux ce qu’est un accouchement que la femme qui accouche, comme le médecin le fait, il y a tout un monde de possibilités. Je ne suis même pas proche d’avoir accouché dans ma vie, mais je suis persuadée que c’est un processus généralement naturel et instinctif. Les femmes accouchent depuis si longtemps!

Je suis habitée par cette lecture, même si c’est loin de ma réalité. Nous faire vivre des choses et développer notre empathie, ce sont des pouvoirs de la littérature.

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Julie Collin
Fondatrice, blogueuse en chef et animatrice de l'émission

Libraire, chroniqueuse culturelle et animatrice, ma vie tourne pas mal autour des livres!

(Ma vie tourne aussi pas mal autour de la radio. La preuve : je suis diplômée en animation radiophonique et je veux en vivre.)

Je lis de tout, et partout. Sur papier et sur ma liseuse numérique.

Je parle de mes lectures simplement, comme j'en parle avec mes amis devant un verre ou une tasse. Sentez-vous bien à l'aise de vous préparer un breuvage. 😉

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