Ça nous est tous déjà arrivé. On regarde un film, on écoute un disque, on lit un livre, et puis, on a envie de dire merci à l’artiste. On a envie de lui exprimer l’impact de l’œuvre sur notre vie. Et trop souvent, on ne contacte pas l’artiste parce qu’on se dit que ça ne donnera rien, que ça ne se rendra pas à la personne concernée. Et si, au contraire, ça pouvait avoir un impact?

« « Ton livre m’a sauvé la vie. » C’est ainsi qu’un jour, une jeune femme de 17 ans a abordé Anaïs Barbeau-Lavalette, l’auteure de La femme qui fuit. Dans Faire œuvre utile, la journaliste culturelle Émilie Perreault a voulu raconter, en 20 rencontres fracassantes, comment la vie d’une personne peut être complètement transformée par une œuvre d’art. Comment le texte d’une chanson de Marc Hervieux a-t-il permis à une femme sans nouvelle de son mari pris en otage au Soudan de supporter l’insupportable? Comment le spectacle de Louis-José Houde a-t-il inspiré une spectatrice quadraplégique à lutter, jusqu’au jour où elle s’est rendue en marchant jusqu’à la scène pour remercier l’humoriste? Comment une pièce de théâtre de Robert Lepage a-t-elle aidé une fille à dire au revoir à son père mort dans une explosion sur l’autoroute 40? »

Faire oeuvre utile | Émilie Perreault | Les Éditions Cardinal

« Je ne sauve pas des vies avec mes chroniques à la radio et avec Julie lit au lit. » C’est ce que je disais à la journaliste Mylène Moisan lors de l’entrevue qui a mené à une chronique sur moi et sur ce que je fais dans Le Soleil. Et Mylène de me répondre : « Tu ne le sais pas ». Elle sait de quoi elle parle puisqu’elle reçoit souvent des messages de ses lecteurs. Par exemple, elle sait qu’un lecteur est passé par-dessus des pulsions suicidaires grâce à la lecture de trois de ses textes.

Émilie Perreault sait de quoi elle parle, elle aussi. Elle est journaliste culturelle. Elle-même a été influencée par une pièce de théâtre d’Éric-Emmanuel Schmitt lorsqu’elle était adolescente et sa carrière a été fortement inspirée par cette pièce. Elle est devenue spectatrice professionnelle.

Voici les artistes qui ont participé à Faire œuvre utile ainsi que l’oeuvre principale dont il est question dans le témoignage les concernant :

  • Éric-Emmanuel Schmitt | Variations énigmatiques
  • Robert Lepage | 887
  • Ingrid St-Pierre | Ficelles
  • Simon Boulerice | L’enfant mascara
  • Mariana Mazza | Femme ta gueule
  • Marc Séguin | Sans titre
  • Anaïs Barbeau-Lavalette | La femme qui fuit [Cliquez ici pour lire mon texte sur La femme qui fuit]
  • Samian | Kisakiin
  • Daniel Thibault & Isabelle Pelletier | Ruptures
  • Biz | Naufrage
  • Keith Kouna | Batiscan
  • Louis-José Houde | Suivre la parade
  • Marc Hervieux | Après nous
  • Denis Villeneuve | Incendies
  • Margie Gillis | Waltzing Matilda
  • Marie-Mai | Chanson pour hier et demain
  • André Sauvé | Être
  • Jean-François Pauzé du groupe Les Comboys Fringants | Les hirondelles
  • Jean-Michel Blais | II
  • Kim Thúy | Mãn

J’aime beaucoup qu’Émilie Perreault serve de courroie de transmission entre l’artiste et la personne touchée par l’oeuvre. Elle se mouille en étant le sujet du premier exemple d’art qui change la vie, mais elle ne cherche pas à se faire dire que les journalistes culturels sont merveilleux. Oui, c’est un hommage à la profession, mais c’est surtout un hommage à l’art. Dire qu’il y a des gens qui pensent que l’art est inutile!

Quand l’art répare des vies

C’est super difficile de choisir des extraits du livre à vous montrer! Je pourrais citer le livre au complet! Prenez le temps de lire ce livre par vous-même.

« Mes amis Justine Laberge et David Bussières, d’Alfa Rococo, m’ont raconté qu’un homme a pris le temps de leur écrire pour leur dire qu’il avait déjà eu des pensées suicidaires. Et qu’en s’attardant aux paroles de la chanson Les jours de pluie, il avait changé d’idée. […] C’est quand même fou. Un ver d’oreille qu’on a entendu à répétition à la radio. Qui sauve une vie. »

« Mettre des mots sur ce que vivent les gens. C’est un don qui n’est pas anodin. Personnellement, je dois admettre que la première fois que j’ai entendu la chanson Octobre, j’ai presque vécu une illumination. J’avais l’impression que quelqu’un me racontait ma vie. J’ai eu le réflexe de regarder derrière moi. Je me sentais observée (merci de ne pas me juger, je sais que c’est complètement absurde). […] Jean-François me confirme toutefois que je ne suis pas la seule. « On s’impose des vies de fous. C’est une chanson que les gens hurlent en spectacle. Ça vient du cœur, des tripes en fait. » »

Oser dire merci

Oui, les gens sont touchés par les œuvres, et les artistes sont touchés par les réactions qu’ils reçoivent.

« Il y a un courriel d’une jeune fille que j’ai reçu en 2010 que j’accroche encore dans ma loge au Gala de l’ADISQ. Les beaux courriels, je les imprime, et des fois, j’en ressors un. Celui-là, je l’avais reçu dans le temps des Fêtes. C’est pas que je le traîne avec moi, mais je le relis de temps en temps. »
Louis-José Houde

« Kim Thúy ne s’attendait pas à entendre un tel récit en lien avec son roman. Cet élan de romantisme l’a réconciliée avec le destin douloureux qu’elle avait réservé à ses personnages. Hélène tenait à lui faire partager la lecture qu’elle avait faite. « Il faut dire aux artistes et aux écrivains qu’on les apprécie, que leur œuvre est signifiante. Même si on croit qu’ils le savent déjà et que c’est inutile. C’est pas vrai! Comme dans notre vie intime, on aime ça que notre amoureux nous dise qu’il nous trouve belle même si ça fait 10 ans qu’il nous voit tous les matins. Et on ne sait jamais si c’est la journée où ils ont besoin de l’entendre. »

Créer pour aider

Une femme raconte avoir écrit à Marc Séguin pour lui demander de faire une  toile avec les cendres de son conjoint récemment décédé, alors qu’elle ne connait pas les arts visuels et qu’elle a simplement vu Marc Séguin à l’émission Tout le monde en parle. Marc Séguin a été touché par son message, mais il ne voulait plus faire des œuvres avec des cendres humaines. Il l’a fait une dernière fois, pour l’aider dans son deuil.

« J’ai juste tenté d’être humain avec quelqu’un qui a été touché, à qui j’ai servi d’instrument. Si ça peut juste être ça, l’art, j’en suis heureux. »
Marc Séguin

Extrait du livre Faire oeuvre utile de Émilie Perreault, aux Éditions Cardinal.
Émilie Perreault prend soin de nous pendant la lecture de son livre.

L’influence de l’art

Certains artistes partagent comment l’art les a influencé et a contribué à construire les artistes qu’ils sont aujourd’hui.

« L’art peut sauver une vie, André Sauvé n’en doute point. Il l’a même dit à Diane Dufresne qui, par son excentricité, l’a aidé à passer à travers son adolescence. « J’étais ému quand je l’ai rencontrée et je lui ai raconté le bien qu’elle m’avait fait. J’ai haï le secondaire, l’adolescence et tout ça. Cette folie que Diane avait me troublait beaucoup. Je me disais : « Je suis pas tout seul. » Quelque part, elle m’a sauvé de la vie. Pas que je voulais mourir, mais elle a sauvé une vie que je portais en dedans de moi. » Il peut ainsi imaginer la portée que son propre spectacle peut avoir dans la vie de quelqu’un. »

« Quand il avait 19 ans, Jean-François Pauzé partait faire de longues balades en voiture, sans destination précise, juste pour essayer de se sentir un peu mieux. Il écoutait la musique de Renaud, de Richard Desjardins et de Plume Latraverse pour oublier qu’il ne savait pas ce qu’il ferait de sa peau. « Je me plais à dire qu’ils m’ont sauvé la vie quand j’étais perdu. J’ai commencé à faire ce métier-là [auteur-compositeur-interprète] parce qu’il y a des chansons qui m’ont été utiles. » »

Faire oeuvre utile devient une série documentaire

Le livre Faire oeuvre utile deviendra une série documentaire de 10 épisodes d’une heure, dès le vendredi 26 octobre à 20 h sur ICI ARTV. Selon ce que j’ai lu sur le sujet, la série documentaire permettra d’avoir une mise à jour sur certaines histoires, en plus de nous permettre de découvrir de nouvelles histoires.

Pis toi Julie, quelle oeuvre t’a été utile?

Je pourrais probablement nommer plusieurs œuvres. Ça m’arrive de lire des livres qui me touchent plus que d’autres. Et il est plus que probable que je mette cette section à jour.

Vite comme ça, l’oeuvre qui reste marquante avec le temps est la série Dawson’s Creek, pour le personnage de Joey.

La série a commencé en 1998. J’avais 16 ans et les personnages principaux avaient 15 ans.

Joey est timide et douée à l’école. Elle a une famille… particulière.

Aussi, elle est l’amie, pas la blonde potentielle. Tranquillement, on la voit sortir de sa coquille.

20 ans plus tard, je possède encore les 6 saisons en DVD. Et ça m’arrive de réécouter certaines saisons (je préfère les saisons 3 et +).

Joey a été un modèle pour moi. Je sais de source sûre que je ne suis pas la seule.

Et vous, quelles œuvres ont été utiles dans votre vie? Dites-vous merci aux artistes qui vous touchent par leur art?

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Julie Collin
Fondatrice, blogueuse en chef et animatrice de l'émission

Libraire, chroniqueuse culturelle et animatrice, ma vie tourne pas mal autour des livres!

(Ma vie tourne aussi pas mal autour de la radio. La preuve : je suis diplômée en animation radiophonique et je veux en vivre.)

Je lis de tout, et partout. Sur papier et sur ma liseuse numérique.

Je parle de mes lectures simplement, comme j'en parle avec mes amis devant un verre ou une tasse. Sentez-vous bien à l'aise de vous préparer un breuvage. 😉

N’hésitez pas à commenter et/ou à me recommander des lectures.

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