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Colette et les siennes | Dominique Bona

[ + Audio 🎙 ] Connaissez-vous Colette (1873-1954)? Avant que Lucile De Pesloüan me suggère de lire Colette et les siennes, je ne la connaissais pas. Les siennes, se sont Annie de Pène (1871-1918), Marguerite Moreno (1871-1948) et Musidora dite Musi (1889-1957). Elles vont vivre ensemble dans le chalet parisien de Colette pendant la Première Guerre mondiale.

Cette biographie est fortement basée sur les correspondances que Colette a eues avec ses 3 amies et avec d’autres gens.

J’ai priorisé ce livre parce qu’il m’a été recommandé par Lucile De Pesloüan, auteure de Pourquoi les filles ont mal au ventre?, lors du Salon du livre de Montréal et qu’il est dans la liste des 20 livres que je vais assurément lire en 2018. ⤵

Née Sidonie-Gabrielle Colette, mais surtout connue sous le nom de Colette, elle est la 2e femme à avoir été admise à l’Académie Goncourt. Et elle est la 2e Française à avoir eu des funérailles nationales.

Le livre commence au début de la Première Guerre mondiale, alors que les hommes quittent Paris. Colette et les siennes décident de se regrouper dans son chalet parisien. Elles vivent ensemble au moins le jour, parfois la nuit.

« Il y a pourtant dans l’air autre chose que l’orage et la peur : un sentiment inconnu et troublant. Les femmes peinent à le définir. Toutes le ressentent, toutes s’en étonnent : il tient au départ massif des hommes. L’expérience, totalement inédite, n’a eu aucun précédent dans l’Histoire. Sans maris, sans compagnons, sans frères ni fils en âge d’homme, et, comme le fait remarquer Élisabeth de Gramont avec son culot de grande dame, sans serviteurs mâles, car eux aussi ont été enrôlés pour cause de mobilisation générale, Paris, livré aux femmes, ressemble à un gynécée. Le maître en est absent, les gardiens ont laissé la clef sur la porte. Aussi y a-t-il dans l’atmosphère si lourde de cet été-là, été de tous les dangers, été maudit, un parfum qu’elles n’attendaient pas. Elles le respirent pour la première fois, confuses et en même temps un peu honteuses d’en éprouver du plaisir. Vif, léger, comme descendu des montagnes ou venu de la mer pour revigorer Paris désert, Paris menacé, Paris sans hommes, c’est une note incongrue dans le paysage, qu’elles finissent par identifier : le parfum tout neuf de leur liberté. Cette liberté, elles en ont si peu l’habitude qu’elles ne savent pas très bien quoi en faire, les premiers jours. »

Un parfum de liberté pendant la guerre? Il faut se remettre en contexte un peu. Le corset était de mise, les femmes ne portaient pas de pantalons, les jupes étaient longues (il est osé de montrer ses chevilles), les cheveux étaient longs, les femmes n’ont pas le droit de vote et n’ont pas le droit de signer un chèque. De plus, l’ancien mari de Colette signait les livres qu’elle écrivait.

« Les quatre amies ont les cheveux courts : une excentricité en 1914, que très peu de femmes osent se permettre. Arborer les cheveux courts relève alors du défi et suppose du courage car l’ensemble de la société, tous milieux confondus, les désapprouve. L’époque les assimile à des mœurs émancipées, à un esprit de rébellion, voire de sédition. En coupant ses cheveux, la femme brise une image que de longs siècles ont forgée, elle s’affranchit du modèle ancestral. Ce faisant, elle passe outre aux lois de la séduction, puisque tous les hommes s’accordent à trouver de la sensualité à la chevelure. »

Leur liberté ne semble pas revendicatrice. Elle est, tout simplement.

« Les quatre amies tiennent moins au fond à obtenir l’égalité de leurs droits, par rapport au sexe fort, qu’à s’affranchir des conventions, des codes, et à se voir accorder un libre arbitre. Nul ne saurait brider leur instinct souverain : être soi, par soi-même, voilà ce qu’elles revendiquent. »

La guerre de 1914-1918 ne devait durer que quelques semaines. Mais le temps passe, les mauvaises nouvelles se multiplient et les femmes commencent à déchanter.

« La mélancolie gagne peu à peu la rue Cortambert, où les femmes finissent par tourner en rond, lasses d’attendre la fin promise du conflit. Jusqu’à quand la guerre, qui ne devait durer que quelques semaines, va-t-elle se prolonger? Elles ont beau s’appliquer à vivre sans penser à demain, l’excitation des premiers jours s’est évaporée, l’ennui s’installe, l’atmosphère du chalet s’alourdit de sombres pressentiments. »

Annie de Pène, une des siennes, effectue des reportages dans les tranchées, ce qui est révolutionnaire pour l’époque.

« Annie trouve un dérivatif dans le travail. Paradoxalement, alors que la France et son propre couple traversent une épreuve, elle s’épanouit dans son métier. Elle a maintenant dans la presse une réputation de compétence et de sérieux : ses enquêtes, ses reportages, ses chroniques sous forme de nouvelles, ses contes vont marquer les esprits. On reconnaît enfin son talent. […] À la fin du mois de novembre, Annie décide de se rendre en observateur dans les tranchées. Envoyée spéciale de l’Œuvre, elle va y rencontrer les soldats, les interroger, rassembler leurs témoignages. Elle envoie du front ses papiers au journal : ils seront rassemblés en brochure et publiés en 1915 sous le titre Une femme dans la tranchée. »

Cette agréable vie au chalet ne les empêche pas de s’ennuyer de leurs hommes. D’ailleurs, Colette se rendra à Verdun même si c’est interdit, afin de se retrouver dans les bras de son mari (pas celui qui signait ses livres).

Au début de ma lecture, j’avais un malaise par rapport à leur plaisir pendant la guerre. Et puis, en réfléchissant, j’ai compris que ce que je sais de la Première Guerre mondiale, elles ne le savaient pas à ce moment-là. La censure dans les médias ne permettait pas d’avoir de vraies nouvelles du front.

Avec les années, elles se sont physiquement éloignées les unes des autres, mais elles ont continué leur correspondance.
À lire pour découvrir un passé pas si lointain, pour voir la guerre avec les yeux des femmes et pour découvrir Colette et les siennes.
En passant, j’ai réservé des livres de Colette à la bibliothèque. À suivre!

Et vous, connaissez-vous Colette?

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Julie Collin
Fondatrice, blogueuse en chef et animatrice de l'émission

Libraire, chroniqueuse culturelle et animatrice, ma vie tourne pas mal autour des livres!

(Ma vie tourne aussi pas mal autour de la radio. La preuve : je suis diplômée en animation radiophonique et je veux en vivre.)

Je lis de tout, et partout. Sur papier et sur ma liseuse numérique.

Je parle de mes lectures simplement, comme j'en parle avec mes amis devant un verre ou une tasse. Sentez-vous bien à l'aise de vous préparer un breuvage. 😉

N’hésitez pas à commenter et/ou à me recommander des lectures.

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1 Commentaire

  1. sarahdel23

    Je ne connaissais pas du tout mais ce que tu as écris me donne très envie de découvrir. Merci.

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